Quand bâtir se conjugue au féminin

Dans le bâtiment, les idées reçues sont nombreuses. Et quand il s’agit d’aborder la présence des femmes dans le secteur, la difficulté physique reste un prétendu frein qui revient en force. Mais malgré des a priori persistants, la mixité s’installe petit à petit. Trois femmes ont choisi l’AlterBative pour entreprendre. Elles nous livrent leur regard sur la question de l’égalité femmes-hommes dans leurs activités.

Clotilde, maçonne du bâti ancien

Après des études d’architecture et plusieurs expériences dans le bâtiment, Clotilde Garnier suit une formation en maçonnerie du bâti ancien à l’Afpa du Vigeant dans la Vienne. Puis, elle travaille pendant 3 ans dans une entreprise du sud Vienne pour parfaire ses compétences avant de rejoindre notre coopérative.

Lorsque nous l’interrogeons sur d’éventuelles expériences négatives qu’elle aurait vécu sur des chantiers, Clotilde est catégorique : «Je n’ai pas subi ce genre de situation dans le contexte du bâtiment. L’entreprise pour laquelle j’ai travaillé pendant 3 ans, souhaitait mettre en avant la parité dans ses équipes. Et les collègues masculins jouaient le jeu. La plupart me demandait de l’aide pour des travaux de force, comme ils l’auraient fait auprès de n’importe quel collègue masculin.»

Les choses, en revanche, prennent une tout autre tournure quand Clotilde se met en recherche d’emploi. Lorsqu’elle répond aux annonces de maçonne du bâti ancien, la réponse est récurrente : «hum ! hum ! Euh ?… Le poste est déjà pourvu !»

C’est à ce moment-là qu’elle décide de créer son entreprise : «L’AlterBative est alors arrivée sur mon parcours. L’opportunité d’y créer mon activité m’a semblé évidente pour (entre autre) ne plus entendre ces : « hum ! Hum ! Euh ?…»

« Non mais, Clotilde, elle travaille comme un mec ! »

Aujourd’hui, Clotilde intervient principalement chez les particuliers propriétaires de vieilles bâtisses. Elle rénove des murs en pierre, réalise des enduits et des rejointoiements intérieurs et extérieurs, ainsi que des dalles de béton de chaux et la pose de dallage en terre cuite ou en pierre naturelle.

De temps à autre, son travail fait l’objet de remarques : « oh ! ben tiens ! une femme maçonne ! Ça c’est pas banal ! Mais c’est beau ce que vous faites ! ». Au-delà du « Mais », je ne sais pas si les mecs maçons entendent souvent : “c’est beau ce que vous faites” ?» Précise Clotilde qui ne tarit pas d’anecdote :

“C’était dans le cadre d’une association dont j’étais salariée, en partie pour de la construction.

Pendant l’assemblée générale, un ami a lancé  : « Non mais, Clotilde, elle travaille comme un mec !»

Ça partait d’un bon sentiment, et c’était sûrement un compliment, venant de sa part.

Pourtant cet ami est bibliothécaire, et il a horreur de tous travaux manuels. Je lui ai répondu que malgré le fait, que lui soit bien un « mec », il ne ferait jamais ce que je fais. On en a rit et ce jour-là, il m’a fait prendre conscience, que l’important c’est de faire ce que l’on sait et que l’on aime faire, que l’on soit un homme ou une femme !»

Dans une interview qu’elle nous donnait il y a quelques mois à peine, Clotilde s’amusait de prendre le temps d’effectuer des travaux de force :  “je prends le temps de me creuser la tête pour ne pas me casser le dos.”

Déconstruire les stéréotypes pour plus d’égalité femmes-hommes 

Mélaine Lanoë et Marie-Laure Besson réalisent des mosaïques à quatre mains. Associées sous le nom d’EMAAA, elles exercent leur art depuis 2015 au sein de l’AlterBative. Si elles n’ont jamais eu à souffrir de remarques sexistes ou désobligeantes, Marie-Laure reconnaît que les chantiers sont parfois le lieu de propos clichés.

Mais de manière générale, c’est plutôt le contraire qu’elle relève : “Je pense que les gars qui nous voient débarquer sur les chantiers traditionnels sont plutôt contents qu’il y ait un peu de présence féminine.”

Pour Marie-Laure, le problème de l’inclusion va au-delà de la mixité femmes-hommes : “Le secteur doit faire tomber les discriminations liées aux catégories sociales et à la couleur de peau. Et cela dès le plus jeune âge, dans les centres de formation et d’apprentissage.”

Alors quand il s’agit de célébrer la journée internationale des droits des femmes, son avis est sans appel : “Il faut parler de ça tout le temps, pas seulement le 8 mars ou plutôt surtout pas le 8 mars qui est LA journée de la femme institutionnalisée. Événement qui en déculpabilise certains, surtout pour s’empêcher d’y penser et d’en débattre le reste de l’année. Je n’aime pas cette idée de célébrer les femmes sur un temps borné.”

Qui que vous soyez, si vous souhaitez créer votre activité dans le bâtiment, nous sommes à votre écoute !