On l’emploie pour qualifier des objets, des systèmes, des techniques, des services, des savoir-faire, des pratiques, et parfois même des modes de vie. Face à la course effrénée pour les hautes technologies, la low-tech questionne nos usages dans de nombreux domaines. En apportant des solutions technologiques simples, robustes, efficaces et peu énergivores, la low-tech, à l’instar de l’éco-construction, se veut en adéquation avec les problématiques environnementales et la sobriété qui s’impose.
Quésaco la low-tech ?
Selon le Low-tech lab, qui s’est donné pour mission de “partager les solutions et l’esprit low-tech avec le plus grand nombre, afin de donner à chacun l’envie et les moyens de vivre mieux avec moins”, la low-tech se définit selon trois grands principes :
L’utilité
Une low-tech répond à des besoins essentiels à l’individu ou au collectif. Elle contribue à rendre possible des modes de vie, de production et de consommation sains et pertinents pour tous dans des domaines aussi variés que l’énergie, l’alimentation, l’eau, la gestion des déchets, les matériaux, l’habitat, les transports, l’hygiène ou encore la santé.
L’accessibilité
Le plus grand nombre doit pouvoir s’emparer de la low-tech. Elle doit donc pouvoir être fabriquée et/ou réparée localement. Ses principes de fonctionnement doivent pouvoir être appréhendés simplement et son coût adapté à une large part de la population.
La durabilité
Éco-conçue, résiliente, robuste, réparable, recyclable, agile, fonctionnelle : la low-tech invite à réfléchir et optimiser les impacts tant écologiques que sociaux ou sociétaux liés au recours à la technique et ce, à toutes les étapes de son cycle de vie (de la conception, production, usage, fin de vie), même si cela implique parfois, de recourir à moins de technique, et plus de partage ou de collaboration.
La low-tech et l’écoconstruction
Face aux contraintes matérielles et énergétiques croissantes, il est difficile de savoir si les promesses des nouvelles technologies seront suffisantes pour construire ou rénover les bâtiments de demain. Grâce à leur accessibilité, du fait de leur caractère local, en favorisant une plus grande autonomie des populations, les solutions low-tech peuvent répondre à certains enjeux environnementaux.
Dans la construction, les techniques employées, l’approvisionnement des matériaux en circuits courts, l’isolation… un grand nombre de postes peuvent être repensés afin de réaliser au mieux les éléments essentiels du bâtiment.
Et à ce niveau là, l’innovation se trouve souvent dans les techniques du passé et ancrée dans les territoires. Prenons pour exemple les techniques d’éco-construction, utilisées depuis plusieurs décennies mais encore sous-employées en France. Parmi celles-ci, la terre crue ne nécessite aucune combustion et présente un bilan carbone exemplaire. Elle possède une excellente inertie thermique et mobilise des ressources locales, disponibles à proximité des chantiers. De la même manière, l’alliance du bois et de la paille est une option efficace pour obtenir une isolation thermique et phonique optimale, à l’aide de matériaux bio-sourcés, et ainsi limiter le bilan carbone d’un chantier.
La low-tech à l’Alterbative
Si tous nos entrepreneurs n’ont pas investi la low tech pour diverses raisons, ils sont nombreux à mener cette réflexion et à mobiliser les ressources locales et techniques, accessibles et renouvelables en matériaux et en énergie. Baptiste Mareschal, constructeur bois qui inscrit son travail dans une démarche durable, entrevoit dans la low-tech la possibilité de pallier les manquements énergétiques ou les différentes pénuries que nous pourrions connaître : “les techniques parfois anciennes auxquelles je m’intéresse ne sont pas applicables à tous mes chantiers, ni à tous les budgets (car elles demandent parfois plus de temps de mise en oeuvre), mais le fait d’entretenir ces savoir-faire nous prémunit de crise énergétique et/ou de pénurie matérielle qui pourrait s’aggraver”.
Entre autres techniques que Baptiste évoque, il y a l’ergolevage. En 2017, 7 entrepreneurs de la coopérative ont suivi une formation sur les techniques de levage traditionnelles à l’aide de cordes. Ergo Levage dispense des formations de levage de structures en bois dans le but d’améliorer cette phase spécifique du travail de charpentier tant du point de vue de la sécurité que de l’efficacité.
C’est sur ce principe que Guillaume Penin et Julien Hermouet de l’Atelier Boiseum ont fabriqué leur propre mât de levage ainsi que leur système de mouflage. En manutention lourde, cette technique leur permet de diviser la masse de la charge par un système de poulies et de cordage. “Pour nous, l’idée principale de la low tech consiste à ce que tout un chacun puisse apprendre un savoir-faire artisanal ou traditionnel en s’émancipant au maximum de la haute technologie et des process industriels” explique Guillaume.
“Il s’agit d’adopter des techniques et des usages qui nous permettent de décarboner au mieux nos pratiques” résume-t-il. Pour les deux constructeurs bois, cela se traduit notamment par l’emploi d’un chanvre de filière locale pour l’isolation, par la fabrication de leur propre lambris et également par le réemploi : “nous avons récemment utilisé un solivage de récupération pour fabriquer une cloison pour botte de paille”.
En 2019, un groupe d’entrepreneurs de l’AlterBative se formait à la construction paille, une technique de construction de murs adaptée à l’autoconstruction low-tech. Dans ce type de construction, tous les matériaux sont manuportables et très peu d’équipement est nécessaire. Contrairement aux idées reçues, sa pertinence et sa durabilité comme construction écologique ne sont plus à prouver.
La Low-Tech et Grand Poitiers
Le 14 octobre dernier, Grand Poitiers accueillait le Labo de l’ESS pour la restitution d’une étude intitulée Pour les métropoles low-tech et solidaires, menée en partenariat avec six grandes villes et agglomérations françaises (Bordeaux, Lille, Lyon, Paris, Poitiers et Strasbourg).
À travers cette étude, le Labo de l’ESS s’est donné trois grands objectifs :
- Définir ce qu’est une démarche low-tech à l’échelle d’un territoire métropolitain et en démontrer l’intérêt.
- Interroger le rôle de l’ESS dans la définition et la mise en œuvre d’une telle démarche en identifiant et analysant un certain nombre d’initiatives concrètes.
- Proposer des mesures et actions concrètes permettant de faciliter cette mise en œuvre, en bonne articulation entre échelles territoriales et en lien avec l’écosystème ESS local.
Sara Poiraton, Chargée de développement à l’AlterBative était présente sur la Table ronde autour des initiatives locales. Elle a pu évoquer la manière dont l’AlterBative s’inscrit dans une démarche d’éco-construction à travers les techniques employées mais aussi les achats responsables, la mutualisation des ressources et la répartition des surplus de chantiers, dans une logique de réduction des déchets et de sobriété. Il a également été question des démarches propres à chaque entrepreneur et des initiatives similaires chez Coop&Bat avec notamment la scierie achetée par plusieurs entrepreneurs.