BatiFemmes : une solution innovante pour la féminisation de l’entrepreneuriat dans le bâtiment

BatiFemmes entrepreneuriat féminin

Les métiers de la maçonnerie, de la plomberie, de la peinture, du carrelage, de la plâtrerie et de la menuiserie ne sont pas exclusivement destinés aux hommes. Des femmes artisanes en font la démonstration. En Nouvelle-Aquitaine, un réseau met en lumière ces professionnelles du second œuvre dans le secteur du bâtiment.

Dans le cadre de nos actions et partenariats pour promouvoir l’entrepreneuriat féminin au sein des CAE bâtiment, nous avons récemment rencontré Emmanuelle Taulet co-fondatrice, avec Karine Santamaria, de l’entreprise BatiFemmes.

Comment est né le réseau d’artisanes BatiFemmes ? Et de quoi s’agit-il ?

Nous avons créé BatiFemmes en octobre 2021 avec mon associée Karine Santamaria. Nous travaillions déjà ensemble avant BatiFemmes et on avait envie de créer une entreprise porteuse de sens.

L’idée à l’origine du projet est née d’une anecdote. La maman de Karine, qui a un peu plus de 70 ans, vit seule dans un appartement à Bordeaux. Elle a demandé à Karine si son mari pouvait l’accompagner lors de la visite d’un plombier auquel elle faisait appel. Ce n’est pas qu’elle se sentait en situation d’insécurité mais elle avait peur de ne pas poser les bonnes questions face à un artisan expérimenté, peur de ne pas être écoutée. Elle s’est dit que ce serait plus facile qu’un homme soit à ses côtés pour mener à bien ce rendez-vous.

Lorsque Karine m’a rapporté cette anecdote, cela a fait écho à diverses expériences professionnelles et personnelles. J’ai encadré des équipes techniques et des équipes de maintenance du bâtiment. Dans tous les corps d’état que j’ai pu croiser, je n’ai rencontré qu’une fois une peintre. En début de carrière, il m’a fallu expliquer à de multiples reprises que je savais lire un plan, il m’a fallu affirmer mes compétences. 

On a commencé à s’interroger pour savoir pourquoi on ne croisait pas plus de femmes dans les métiers du bâtiment. Au fil de nos recherches, on s’est rapproché de la chambre des métiers pour découvrir qu’il y a bien des femmes artisanes dans les métiers du second œuvre, mais qu’elles ne représentent que 4% des artisans.

Notre deuxième travail a consisté a mener une étude de marché auprès de femmes de 25 à 82 ans pour savoir si elles seraient susceptibles de faire travailler une femme artisane ou s’il y avait encore des préjugés sur ces questions là. Unanimement, l’enquête a révélé qu’à prix égal et qu’à compétences égales, elles auraient plutot envie de faire confiance à une femme.

Quels sont les motifs que cette enquête a révélée ?

On a collecté plusieurs motifs en fonction de l’âge. Comme l’avait exprimé la maman de Karine, il semblait plus facile pour ces femmes de se confier et de formuler clairement leurs besoins à une femme. On a collecté des préjugés positifs “une femme sera plus à l’écoute”, elle comprendra peut être mieux des problématiques liées au quotidien ou aux attentes de femmes.

Chez de plus jeunes personnes on a eu des retours de crainte pour leur sécurité. C’est un motif que nous n’avions pas imaginé mais qui est ressorti de cette étude.

Votre étude de marché a conforté votre intuition…

Oui, d’un côté des artisanes présentes dans le second œuvre et de l’autre des clients prêts à leur confier des travaux. Le besoin était là, la réponse au besoin existait aussi mais aucune plateforme ne permettait cette mise en relation entre des clients particuliers et des femmes artisanes. On s’est dit qu’on avait quelque chose à faire.

Le premier axe de BatiFemmes est donc de permettre la mise en relation entre des client·es et des femmes artisanes du second œuvre par l’intermédiaire de notre plateforme : www.batifemmes.fr.

Le 2eme axe de développement qui nous tient à cœur, c’est de permettre à toutes celles et ceux qui le souhaitent d’accéder aux métiers du bâtiment s’ils en ont envie. On s’appuie sur les artisanes du réseau à travers leurs portraits pour qu’elles servent de rôle modèle et que toutes celles qui ont envie de devenir demain artisane sachent que c’est possible.

Ces 2 axes correspondent aux 2 entrées principales que propose notre plateforme : 

  • “je recherche une artisane” pour rentrer en contact avec une artisane
  • “je veux devenir artisane” 

À travers ce 2ème axe, nous travaillons à déconstruire les préjugés à la fois sur les métiers du bâtiment et sur la présence des femmes dans ces métiers tout en démontrant leur réalité. Pour cela, on s’appuie sur les témoignages des artisanes et on met également en avant les métiers en expliquant que oui, on peut être électricienne, que c’est un métier technique mais que les femmes ne sont pas moins techniques que les hommes, elles sont différemment techniques. 

De la même manière, les métiers sont physiques mais ils le sont aussi pour les hommes. Il existe de nombreux progrès du point de vue de la technique, des produits et de la charge admissible. Les efforts des fournisseurs vont dans le sens d’une plus grande mixité dans le bâtiment.

BatiFemme est une entreprise. Quel est son modèle économique ? Qui sont ses clients ? 

Les clients BatiFemmes sont des clientes et des clients particuliers désireux de faire appel à des femmes pour des travaux à leur domicile.

Pour obtenir les coordonnées d’une artisane, le client doit s’acquitter d’une cotisation de 20 euros par métier. Si j’ai besoin d’une peintre, je paie 20€. Cela quelle que soit la taille du chantier et le montant que l’artisane facturera. 

Une enquête de la Fédération Française du Bâtiment sur les plateformes révèle que les clients font souvent des demandes sans forcément réaliser de travaux par la suite. La cotisation de 20€ est engageante et permet de se prémunir de ces usages. Ces 20€ sont aussi une forme d’adhésion aux valeurs de BatiFemmes, et de garantie de véracité du chantier. Les artisanes gèrent ensuite leur client en toute autonomie.

Nos clients sont également des entreprises, que nous appelons nos alliées, qui font appel aux services des Artisanes de BatiFemmes pour leur propre compte, le compte de leurs salariés ou de leurs clients. Ces alliés sont aussi des entreprises qui participent à la formation, à l’installation et à la vie professionnelle des artisanes, qui, en s’engageant à nos côtés apportent la preuve qu’aujourd’hui des entreprises sont prêtes à faire une place aux femmes dans les métiers du bâtiment. Pour ces entreprises, nous construisons des offres personnalisées, sur la base de contrats annuels ou pluriannuels, en contrepartie d’un engagement financier.

BatiFemmes compte aujourd’hui à ses côtés la Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique, Enedis, Unikalo et la SMABTP. Chacune a des besoins différents mais la volonté commune d’amener plus de mixité dans les métiers du bâtiment.

C’est grâce à ce modèle économique que nous pouvons ainsi intégrer gracieusement les Artisanes à BatiFemmes.

C’est une volonté forte car on tient à préserver leur activité et à les accompagner pour assurer la pérennité de leur entreprise.

Qui sont les clients qui s’acquittent d’une adhésion ? 

Aujourd’hui ce sont aussi des femmes et des hommes qui souhaitent faire appel à une femme pour leurs travaux. Les demandes viennent principalement de la région Nouvelle-Aquitaine mais aussi d’Ile-de-France, d’Occitanie, d’Auvergne Rhône Alpes, de Bretagne… 

On a eu l’honneur d’avoir beaucoup de presse et de reportages de médias qui ont participé à accroître notre notoriété. Et au fur à mesure de notre développement, les clients et les artisanes se font prescripteurs de la plateforme.

Quels sont les projets à venir pour BatiFemmes ?

Dans notre modèle, nous avons imaginé dès le départ une ouverture au national. Il était très important au démarrage d’inscrire notre projet en Aquitaine et de pouvoir travailler en proximité et dans l’échange avec les artisanes. C’était essentiel dans l’esprit que nous souhaitions donner à l’entreprise.

Mais aujourd’hui nous recevons des demandes d’autres régions, côté client et aussi côté artisanes qui aimeraient voir BatiFemmes se développer près de chez elles. Nous travaillons à ce développement qui devrait prendre forme en 2024.

BatiFemmes et Coop&bat

Coop&Bât soumettra au vote des ses associés une proposition de collaboration par l’intermédiaire d’une convention, qui verrait par exemple l’adhésion immédiate et automatique à BatiFemmes de chaque nouvelle entrepreneure intégrant la coopérative (dans le respect de sa volonté).

En quelques chiffres

  • 80 artisanes dans le réseau BatiFemmes
  • 8 métiers
  • 4 artisanes de Coop&bat adhérent à BatiFemmes